In Noirlac 1


Le professeur Glaçon est invité à l'abbaye de Noirlac (Cher, France)




Lumières sur quelques moines et autres anciens occupants de l'abbaye de Noirlac.


L'abbaye de Noirlac est fière de présenter aujourd'hui au public les recherches poussées du professeur Glaçon sur quelques-uns des anciens locataires de l'abbaye.

Au cours de l'histoire, le lieu a été occupé par des personnalités diverses, et qui ont occupé des fonctions contrastées ; on sait bien sûr l'usage monastique qui a prévalu de nombreux siècles, on verra par exemple la chambre de frère Johnston (1704-1767), mais on connait moins son insectorium, ou la vie de la Duchesse de X.



Nous avons reconstitué, autant que possible, les éléments principaux des chambres en fonction de leurs prestigieux locataires, afin de rendre leurs vie ou leur pensée plus parlantes, plus crédibles.





Le couloir, avec, à droite, les chambres des moines.

J'ai réalisé une installation par chambre (5), en proposant un habitant imaginaire pour chacune d'entre elles.


Ci-dessous, le passage de l'une à l'autre.










Ici la chambre de Frère Johnston.







Savant respecté, entomologiste craint, homme politique avisé, frère Johnston (1704-1767) a porté ses recherches sur les sons de la nature :
Lorsque la parole se tait, le silence se remplit progressivement par la pensée, que l'on peut, avec du soin et de la concentration, entendre sous forme d'harmonie. La couleur de ces harmonies dépend largement des pensées qui la précèdent, et on ne s'étonnera pas plus de voir des accords lumineux et résonnants dans le cas de pensées élevées et virginales, que des accords arrachés et hargneux quand les hommes ont des pensées impures.
Ceci étant, y a-t'il une adéquation parfaite entre les pensées et la couleur de l'harmonie ? Ne peut-on pas tricher, et s'adonner à de multiples péchés, en pensée, tandis que l'harmonie résultante est pure et rayonnante ?
Nous avons fait des tests, nous avons fait intervenir les mêmes personnes qui pensaient à des choses différentes, et inversement des personnes différentes qui pensaient à la même chose. Eh bien le résultat est plus complexe qu'on le croit ; non seulement les feuilles de la pensée s'envolent, se dispersent et la musique reste la même, et aussi inversement, il arrive que tels des grands voiliers, si lointains qu'on ne distingue plus qu'une tache blanche, des bribes de pensées flottant dans une pièce émettent des sons si épars que personne ne songerait à les associer.
Découverts par Frère Johnston, ces demi-correspondances ont été considérées parfois comme pathologiques, et pourtant, c'est injuste : des cas extrêmes d'associations arbitraires entre le son et la pensée sont largement répandus, et ne provoquent aucune réaction de rejet, ni d'étonnement… personne ne s'étonne par exemple que quelqu'un puisse pratiquer un instrument de musique pendant des années sans savoir pourquoi, ni quel sens possède le résultat.
Donc que cette rémanence sonore des pensées soit maladive chez certains sujets (on raconte par exemple que Johnston était si sensible qu'il pouvait savoir à quoi les gens pensaient rien qu'en entendant les harmonies résultantes, à tel point qu'il a été contraint de s'isoler de la société des hommes pour ne pas être en permanence dans une situation de voyeurisme mental), cela reste à démontrer.
Ce qui est plus intéressant est que le même Père Johnston avait des facultés supérieures dans l'écoute de la pensée. Il a fini sa vie en consignant ce que la Nature lui enseignait sous forme de rémanences harmoniques des choses du monde, c'est-à-dire rien d'autre que le son produit par ce que l'on ne peut pas qualifier de pensée, mais peut-être de  forme d'activité intelligente des plantes, des arbres et des pierres. En sachant que chacune de ces choses émet quelque chose, qui se modifie au gré des saisons, des heures de la journée, comme la mer émet un puissant et permanent rugissement lointain, nous ne pouvons qu'être émerveillés de penser que Père Johnston a atteint l'écoute du son du monde, la voix de la nature, au sens propre.




Son insectarium :







Sur les murs de sa chambre, des scènes édifiantes de la vie religieuse de l'époque.





















Lorsque le capitaine Hortusus Polyae Simon sortit de la cabine, il entendit les sifflements typiques de XXXX qui l'invitaient à la danse. Heureusement, frère Johnston, son second, sourd comme un pot, donc immunisé, reconnut le danger, à la manière quelque peu indécise et comme hypnotisée avec laquelle son patron marchait sur le pont en direction du bord, prêt à se jeter dans les griffes du monstre. Il se rua sur lui, et à coups de bottes l'empêcha de se jeter dans l'eau, et le réveilla en lui mettant des glaçons sur le crâne.
Il suffit d'une personne qui résiste au XXXX pour que celui-ci, dans un hurlement atroce, perde son pouvoir, puis rende ses victimes, se retransforme dans d'horribles convulsions et finisse en embryon, pour enfin resombrer dans la mer et attendre là qu'une nouvelle période de l'histoire de la musique ne s'achève.
C'est ce qui arriva à celui-ci. Ayant raté le capitaine Simon, le XXXX se rétracta soudain dans une grande gerbe d'eau, créa un trou dans la mer dans lequel il s'enfonça, tandis que de part et d'autres jaillissaient divers membres et fragments précédemment ingérés. 


Ici la chambre de la Duchesse de X.
L'abbaye n'a pas toujours été habitée par des moines, mais aussi des laïques (véridique).




  En soie bleue, la voilette de la duchesse de X. émet un petit bruissement à haute charge érotique sur son palefrenier, Robert Waschel-Welsch. On ne peut pas dire que la duchesse le laisse souvent sur sa faim dans ce domaine, du reste, mais un jour le duc, sans doute interpellé par les petites mélodies serpentines qui montaient des appartements de son épouse, alla y mettre son noble nez. Heureusement elle avait tout prévu et son hermine se mit à couiner peu avant l'arriver du cocu, qui, étonné de voir sa femme allongée dans son lit en train d'égrener quelques notes de psaltérion, décida de lui offrir une famille complète de ce noble instrument. Une assemblée de luthiers bien au courant des fantaisies de leur maîtresse dessina les instruments en question, rivalisant de volupté dans les formes, et tandis que la duchesse et Robert émettaient de nouvelles mélodies inédites stimulées par la voilette de soie bleue, une douce orchestration polyphonique les accompagnait depuis divers points de l'abbaye, qui ravissait le mélomane et généreux duc.



Le 13 mai 2012 aura lieu un concert dans cette installation, avec quatre musiciens : Sylvain Lemêtre, Mathieu Metzger, Catherine Pavet et Noémi Boutin.




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